Compensation à sec pour l’apnée niveau débutant (1/2)

Partie 1: volumes et verrous

Qu’est-ce que la compensation à sec ?

On appelle «entraînement à sec » le principe de s’entraîner hors de l’eau. L’intérêt est double :

  • s’entraîner plus souvent, même lorsque l’on habite loin de la mer
  • s’entraîner de manière plus intensive (on s’entraîne de manière plus intensive en 30mn à sec qu’en une demie-journée en mer)

Nous parlerons aujourd’hui de l’entraînement à sec lié à la compensation, et plus particulièrement pour le « débutant » au sens large, c’est à dire la personne commençant à s’intéresser au principe de l’entraînement à sec pour la compensation. Il s’agit soit de personnes débutant l’apnée en mer, soit qui bloquent vers 10-25m sans trop savoir pourquoi.

J’essaierai donc de rester le plus simple possible, mais il faudra parfois rentrer un peu dans les détails techniques…

Accessoires  requis

  • Dry trainer ou Otovent (voir description plus bas si vous ne connaissez pas)
  • miroir (ou caméra d’un téléphone)

Pourquoi compenser ?

Lorsque l’on descend dans l’eau on sent vite une gène puis une douleur dans l’oreille (même dans une piscine). C’est dû au fait que la pression dans l’oreille (plus précisément l’oreille moyenne) devient inférieure à la pression exercée par l’eau. Le tympan, qui est comme une peau de tambour séparant l’oreille moyenne de l’extérieur se déforme progressivement (il se creuse), créant cette douleur. Si l’on n’y fait rien, cela peut aller jusqu’au déchirement de ce tympan. Un vrai plaisir parait-il.

Compenser consiste à envoyer de l’air du nez vers l’oreille moyenne, via deux petits canaux (deux petits tubes) appelés « trompes d’Eustache ». La pression d’air augmente dans l’oreille moyenne jusqu’à correspondre à la pression qui nous entoure. Le tympan reprend sa forme normale et gène (ou la douleur) cesse.

Attention : si on continue de compenser, on finit par bomber le tympan dans l’autre sens. La sensation est similaire sauf que cette fois plus on compensera et plus la douleur augmentera. Tout est donc affaire de dosage !

Les principales méthodes de compensation en apnée

Sans rentrer trop dans les détails, il existe diverses techniques de compensation en apnée :

  • Vasalva : Il s’agit de compenser en utilisant directement l’air des poumons, via les muscles thoraciques. On pince le nez, on souffle de l’air dans le nez sans trop réfléchir d’où vient cet air, et miracle ! On a compensé. Très prisée des plongeurs sous marin (à tort selon mai mais j’y reviendrai plus en détail dans un autre document) cette technique est à oublier lorsque l’on pratique l’apnée car elle ne vous permettra pas de descendre au-delà de 8-10m.

  • Béance tubulaire volontaire (BTV) : Nous n’avons pas tous la même physiologie. Certains chanceux (10-20 % de la population) ont les trompes d’Eustache (vois savez, les petits tuyaux!) particulièrement larges et rectilignes. Quelques petits mouvements de mâchoire ou de petits muscles bien précis leur permet d’ouvrir ces tubes pour équilibrer la pression sans avoir à créer de surpression. Un peu comme lorsque l’on déglutit ou avale sa salive dans l’avion. Sauf qu’en apnée cela ne fonctionne que pour peu de monde et très rares sont ceux qui peuvent descendre à plus de 30m avec cette méthode.

  • Frenzel : C’est la technique à privilégier lorsque l’on débute en apnée. Je vais donc la détailler un peu plus bas. Avec un peu d’entraînement elle vous amènera « assez facilement » à 30-40m, voire plus !

  • Mouthfill ou Frenzel Fatah : c’est la méthode des expert. Celle qui amène à plus de 100m. Mais elle nécessite une excellente maîtrise de soi et est plus dangereuse que le frenzel « classique » car la pression dans la bouche est supérieure. Il est donc déconseillé de commencer à apprendre le mouthfill avant d’être parfaitement à l’aise à 30-35m. D’autant que ce que l’on apprend pour le Frenzel resservira pour le mouthfill.

Vous l’aurez compris, les exercices du jour auront pour but de maîtriser Frenzel, et uniquement Frenzel.

Un peu d’anatomie : volumes et portes

Nous l’avons vu tout à l’heure, notre système respiratoire peut se décomposer en 3 volumes :

  • les poumons (+trachée etc)
  • la bouche
  • le nez

De plus :

  • l’oreille moyenne est reliée au système respiratoire par les trompes d’Eustache (dans le nez)
  • il existe une « porte » entre les cavités nasale et buccale : le voile du palais
  • et une autre « porte » entre la cavité buccale et les poumons : la glotte.

Comment maîtriser le voile du palais

Nous sommes à priori toutes et tous capable d’ouvrir et fermer notre voile du palais. Mais personne n’a en principe cherché à le faire volontairement. C’est ce que nous allons chercher à faire…

Vous aurez besoin pour cela d’un accessoire similaire à celui de la photo. Vous le connaissez peut-être sous le nom de Dry Trainer ou d’Otovent. Vous pouvez trouver un dry trainer sur notre site ou demander un Otovent en pharmacie

Remarque . Si vous achetez directement à la marque Otovent, je vous déconseille d’utiliser les ballons fournis avec car ils sont beaucoup trop raides ( ils ne sont pas prévus pour les apnéistes à l’origine mais pour un usage médical distinct). Préférez des ballons larges et les plus souples possibles.

De plus, lorsque le ballon est neuf, il est préférable de le gonfler 5-6 fois avant de débuter, afin de le détendre.

Exercice 1 : placez le ballon sur l’embout, entre les deux cannelures au bas de la photo. Gonflez-le (sans pincer votre nez). L’air ne s’échappe de nulle part ? Cela signifie que vous avez inconsciemment fermé votre voile du palais. Tachez de rester ainsi quelques secondes. Vous pouvez d’ailleurs faire le même exercice sans ballon, car lorsque vous gonflez un ballon vous fermez inconsciemment votre glotte. L’intérêt de l’embout est que le ballon reste ainsi toujours ouvert, alors qu’habituellement vous pincez certainement le ballon avec vos doigts ou vos lèvres, pour reprendre votre inspiration.

Exercice 1B : Gonflez et maintenez le ballon comme dans l’exercice 1. Puis tout en laissant l’embout bien sellé sur les lèvres, faites en sorte que tout l’air du ballon s’échappe par le nez. Vous avez réussi ? Cela signifie que vous savez ouvrir votre glotte !

Exercice 1C : On reste dans le même esprit, mais on corse un peu : refaites l’exercice 2 mais en ne laissant échapper qu’un peu d’air. Puis bloquez de nouveau, ouvrez, bloquez etc jusqu’à ce que le ballon soit dégonflé. Essayez d’avoir des fermetures les plus « nettes » possibles.

Répétez plusieurs jours de suite ces trois exercices, afin d’être sur de les maîtriser.

Exercice 2, 2B, 2C :On va faire la même chose mais en sens inverse : gonflez le ballon et pincez-le afin que l’air ne s’échappe pas. Puis placez l’embout contre une narine tout en maintenant l’autre narine fermée. Enfin, tirez la langue, pour être sûr que celle-ci n’empêche pas l’air de s’échapper.

  • Exercice 2 : Rester immobile, langue tendue : l’air ne doit pas s’échapper
  • Exercice 2B : Tout en maintenant la langue tendue (c’est important!) « faire en sorte » que l’air s’échappe par la bouche (vous avez donc ouvert le voile de votre palais)
  • Exercice 2C: Laissez échapper un peu d’air. Puis bloquez de nouveau, ouvrez, bloquez etc jusqu’à ce que le ballon soit dégonflé

Exercice 3 : Position neutre du voile: Placez deux doigts d’une main devant les narines, et un doigt de l’autre devant la bouche, afin de ressentir le souffle. Prononcez « OOOOOOOOOH » en expirant par le nez et la bouche en même temps. Essayez de recevoir du souffle sur tous les doigts.

Remarque : Il est fort probable que durant cet exercice vous constatiez qu’il faut très peu de changement pour aiguiller l’air vers la bouche, le nez ou les deux. Tout est dans la subtilité…

Cet exercice est assez difficile à maîtriser, et donc pas vraiment à la portée d’un débutant. Aucune inquiétude à avoir si vous n’y arrivez pas. J’en parle toutefois dès à présent, car il montre bien la subtilité requise.

Comment maîtriser sa glotte

Exercice 4 : prenez un verre d’eau (si possible sortant du frigo afin de mieux la ressentir). Prenez une bonne gorgée et retenez la au fond de votre gorge (comme pour un bain de bouche).

L’eau est restée là ? Bonne nouvelle, cela signifie que vous savez fermer votre glotte, car c’est elle qui a empêché l’eau de descendre plus bas. Si vous avez pris de l’eau froide, vous pouvez sentir où s’arrête la sensation de froid. La partie la plus basse correspond à l’emplacement de votre glotte. Mettez-vous devant une glace et essayez de repérer l’emplacement

La difficulté à présent va être d’ouvrir et fermer votre glotte volontairement et de la garder parfaitement fermée plusieurs dizaines de secondes

Exercice 5 : Placez-vous devant un miroir. Remplissez les poumons, plaquez la langue vers le bas, bouche ouverte, et placez un doigt à l’horizontale sur votre pomme d’adam. Expirez doucement en prononçant le son « AAAAAA ». Puis tentez de bloquer l’air là ou l’eau s’était arrêtée. Vérifier dans le miroir que c’est bien la glotte et non la langue qui est en train de bloquer l’air :

  • vous devez sentir votre pomme d’adam monter et descendre (ou la voir monter et descendre dans le miroir)
  • votre langue doit rester plaquée et immobile

Variante : si dans un premier temps vous n’arrivez pas à garder la langue au repos, commencez par faire l’exercice langue tendue et vers le bas. C’est moins ressemblant à ce que l’on cherche à faire, mais au moins vous êtes sûr ainsi que la langue n’obstruera pas le fond de la gorge.

Exercice 5B : même chose mais en sens inverse (donc en inspirant lentement).

Remarque : dissocier langue et glotte est souvent difficile. On a généralement tendance à faire un mélange des deux. Se focaliser sur la zone géographique de la glotte et vérifier le résultat dans le miroir

Exercice 6 : Videz les poumons en partie ou en totalité, selon votre aisance, comme pour faire un Uddiyana bandha (posture de yoga). Bloquez la glotte, descendez le diaphragme et ouvrez les côtes bouche ouverte et langue baissée, sans laisser entrer l’air : vous devez sentir que ça tire sur la glotte.

Répéter ces exercices 4-5 fois chacun et plusieurs jours de suite.

Ce n’est qu’une fois le contrôle du voile du palais et de la glotte maîtrisés que vous pourrez commencer notre prochaine série d’exercices :

Compensation à sec pour l’apnée niveau débutant (2/2): Frenzel

A bientôt!

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