Compensation à sec en apnée, à l'aide d'un Dry Bubbler

Compensation à sec pour l’apnée niveau avancé (2/2)

Ce document est la suite de : « Compensation en apnée, entraînement à sec niveau avancé partie 1/2 : Mouthfill »

Nous y avions vu les bases de l’entraînement à sec du mouthfill.

Vous pensiez qu’une fois le mouthfill découvert vous descendriez le lendemain à 100m ? Que neni ! Le mouthfill est une pratique qui se dompte au fil des ans !

Le dry trainer vous a permis de découvrir le Frenzel et le mouthfill (cf les 3 documents précédents). Mais pour aller plus loin, il va falloir apprendre à doser et être subtile et constant.

Remarque : nous nous focaliserons ici sur l’amélioration du mouthfill, mais la plupart des exercices présentés sont adaptables au Frenzel « classique ». A vous d’être imaginatif !

Accessoires  requis:

-Dry bubbler

Dry Bubbler


Andrea ZUCCARI (1974-2023)

Le concept du dry bubbler et du water tube ont été inventés par le regretté Andrea Zuccari qui nous a quitté l’été dernier (août 2023).

Cela consiste en un flexible, muni d’un embout percé, que l’on plonge dans une colonne d’eau de 30-40cm de haut. Plus on descend le flexible dans la colonne d’eau, et plus la résistance augmente.

L’intérêt est double :

  • la pression exercée par l’outil est passive (résistance) et non active : les sensations diffèrent donc, ce qui en entraînement est toujours une bonne chose. De plus on n’a ainsi pas de surpression dans la cavité nasale tant que l’on ne compense pas. Les tympans sont ainsi moins sollicités.
  • le simple fait de monter ou descendre la base du flexible d’un ou de 1 ou 2cm dans la colonne d’eau fait énormément varier le ressenti. On peut ainsi faire varier la résistante :
    • d’un exercice à l’autre
    • et surtout durant un même exercice, ce qui permet de reproduire à sec divers moments de l’apnée (augmentation de pression, perte d’une compensation…)

REMARQUE : N’ayant pas eu la chance de faire de stage avec Andrea Zuccari, il s’agit d’exercices que j’ai imaginés pour mon usage personnel. Andrea en avait certainement d’autres, ou réalisés différemment. Si vous avez des informations, je suis preneur!

Apprendre à réduire la pression requise pour compenser

Vous savez compenser ? C’est bien ! Mais compensez-vous au mieux ? Et surtout, êtes-vous sûr d’avoir à exercer autant de pression pour compenser ?

On a tous à un moment ou un autre eu un blocage à une certaine profondeur. Le réflexe : envoyer plus de pression. C’est instinctif mais souvent contre-productif. En réalité, la clé est généralement de compenser non pas plus fort, mais juste… mieux (détente, changement de posture etc).

Nous allons commencer par quantifier la pression utilisée actuellement et celle dont vous avez effectivement besoin.

Exercice 1

  • plongez le flexible dans 30-35cm d’eau, placez l’embout hermétiquement scellé sur une narine, obstruez l’autre narine à l’aide d’un doigt, et compensez comme vous le faites actuellement. Des bulles sortent ? Cela signifie que vous compensez actuellement plus fort que ca (dans le cas contraire remontez le flexible de quelques cm)
  • Si des bulles sont sorties descendez le flexible de quelques cm dans la colonne d’eau et recommencez.
  • Continuez ainsi jusqu’à trouver la profondeur (à 1cm près environ) à laquelle seulement une ou deux petites bulle s’échappent. Remontez au besoin légèrement le flexible pour ajuster.

Attention : ne pas faire varier l’intensité de votre compensation au cours de cet exercice !

  • Une fois la bonne profondeur trouvée, faites une petite marque sur le tube pour repérer la profondeur à laquelle se trouvait votre flexible (un bout d’adhésif par exemple). Puis mesurez la distance entre ce point et la surface de l’eau (en cm) et multipliez le résultat par 0.735.
Pression (mm de mercure) = colonne d’eau (en cm) * 0.735 Ex : 30Centimètres d’eau correspondent à 22.0662Millimètres de mercure

Remarque : si vous êtes du genre « bourrin », la hauteur de la colonne risque de ne pas suffire. Refaites alors l’exercice avec une colonne d’eau plus grande… ou dans une piscine !

Résultat :

  • Il n’est pas rare qu’un apnéiste débutant (ou un plongeur sous-marin compensant en Vasalva) compense à une pression de 50mm de mercure (soit 68cm d’eau!), voire plus. Pauvres tympans…
  • 8 à 15mm de mercure constitue la fourchette la plus courante pour des apnéistes ayant déjà une certaine pratique.
  • des BTVistes « purs » auront à peine besoin de plonger leur flexible, la moindre résistance leur suffisant pour compenser.

Exercice 1 (suite)

  • Allez faire un tour 10mn pour oublier l’exercice précédent, puis refaites l’exercice dans 25cm d’eau. Compensez TRES doucement cette fois, jusqu’à ce que 2-3 bulles s’échappent du flexible.
  • Si, lorsque les bulles se sont échappées, vous n’avez rien constaté dans les oreilles, recommencez en plaçant le tube 2-3cm plus bas
  • A un moment donné, vous allez sentir un « poc » dans les oreilles juste avant que les bulles ne sortent. Notez et mesurez la profondeur.

Résultat : il est fort probable que la valeur mesurée soit bien inférieure à la précédente. Peut-être même la moitié ? Cela correspond à la pression que vous avez réellement besoin d’exercer pour compenser (plus précisément le delta de pression par rapport à la pression actuelle dans l’oreille moyenne)

Refaites la seconde partie de l’exercice quelques jours plus tard (sans effectuer la première), afin de confirmer la valeur. Il est même intéressant de refaire l’exercice plusieures fois dans l’année, car si vous avez une pratique régulière il est probable que vous constatiez une différence entre le début et la fin de saison.

Si lors du précédent exercice vous étiez au-delà de 20mm de mercure, cet exercice est idéal pour réduire progressivement la pression réellement nécessaire. Vos tympans vous diront merci !

Astuce : vous pouvez aussi adapter le manomètre d’un sphygmomanomètre (le truc que les médecins vous mettent autour du bras pour mesurer la tension) sur votre dry bubbler et ainsi lire directement la pression réalisée par votre compensation



Apprendre à être constant en apnée

Une fois cette nouvelle pression de compensation déterminée, il va falloir l’automatiser

Exercice 2

Placez le tube à la profondeur déterminée précédemment, et faites des séries de compensations en faisant en sorte que les allers-retour de la bulle soient les plus réguliers possibles :

  • vitesse régulière de montée et descente de la bulle
  • point haut et point bas de la bulle les plus réguliers possibles

Travaillez en douceur, et le plus détendu possible. Les premières fois, cela vous demandera certainement pas mal de concentration. Le but, au fil des séances, est que cela devienne le plus automatique possible.

Variante : Si vous pratiquez souvent ou si vous faites une séance de plus de 30mn, remontez de 1 ou 2 cm le tube pour l’essentiel de la séance, afin de soulager vos tympans (la bulle sera alors un peu plus haut dans le tube). Ne redescendez qu’en fin de session.

Exercice 2 B

Idem, mais avec une compensation unique. Maintenez la pression constante pendant 20-30s. La bulle d’air doit être à la limite de la sortie et bouger le moins possible.

Remarque : Dans cet exercice, les trompes d’eustache sont maintenues constamment ouvertes (ou proches de l’être), et sans a-coups. c’est donc un très bon exercice pour :

  • le BTV profond
  • le frenzel mains libres
  • le mouthfill mains libres

Mouthfill: Apprendre la continuité d’avance du piston

Le but est de travailler le mouvement de piston de la langue, avec la plus grande régularité possible

Exercice 3

le flexible placé 3-4 cm au dessus de la profondeur de compensation, compenser (charge T, K ou H) en faisant buller le plus régulièrement possible :

  • éviter les amas de bulle
  • éviter les absences de bulle de plusieurs secondes

L’intérêt est double :

  • La régularité (l’important est la régularité des bulles, pas celui du mouvement de langue!)
  • La gestion de « fin de course » du piston (partie la plus délicate à gérer, et qui peut faire la différence entre tourner 5m avant la balle ou atteindre celle-ci!)

Exercice 3B 

Idem, mais en enchaînant lock T puis K puis H dans la continuité. On ajoute ainsi deux difficultés supplémentaires :

  • la transition sans a-coup d’un lock à l’autre
  • La régularité de résultat d’un lock à l’autre (les mouvements n’étant pas les mêmes d’un lock à l’autre pour obtenir le même résultat)

Remarque : ces 2 exercices (3 et 3B) fonctionnent aussi bien en charge N( Frenzel « classique ») et M (Mouthfill). Mais elles prennent évidemment tout leur intérêt pour le mouthfill

Descente en apnée: Apprendre à gérer les imprévus

Admettons que vous fassiez une compensation tous les 2m, avec une régularité de métronome. A un moment donné, une compensation ne passe pas. La suivante devra donc être réalisée :

  • sans stress
  • en exerçant une pression légèrement supérieure, car le delta de pression entre oreille moyenne et bouche a légèrement augmenté

Nous allons travailler cela à sec :

Exercice 4

Le flexible placé 3-5 cm au dessus de la profondeur de compensation, compenser en réalisant des bulles régulières, comme précédemment. Puis commencez à jouer avec la profondeur du tuyau (un peu plus bas, un peu plus haut…). Le bullage doit rester le plus constant possible.

Exercice 4B 

Idem, mais en fermant les yeux, avec une autre personne tenant le flexible pour vous et faisant varier celui-ci sans vous prévenir. Si vous avez de jeunes enfants, je suis sûr qu’ils vont adorer !

Simuler à sec une descente complète en apnée

Une fois toutes les précédentes étapes maîtrisées, on met le tout ensemble afin de simuler une apnée complète.

Remarque : On ne fera pas ici des charges M complètes, afin de ne pas se faire mal aux tympans. L’important est d’essayer de reproduire un ressenti le plus proche possible de la réalité (donc une charge produisant une tension dans la bouche proche de celle à 17m, avec 2.7bars ambiants, et non celle réalisable à 1 bar !). De même, étant donné que vous ne produisez pas d’effort physique, il est possible que vous deviez adapter les temps afin d’avoir un ressenti le plus proche possible de celui dans l’eau. Par exemple, si vous commencez à avoir des spasmes au fond, prévoyez un temps d’apnée qui vous amène aux premiers spasmes.

Exercice 5

Tachez de chronométrer chaque tronçon de votre apnée, afin de la reproduire à sec avec un dry trainer. Par exemple, pour une apnée à 50m en mouthfill en se basant sur une vitesse de 1m/mn, cela donne :

  • Top départ de l’apnée. Mouthfill léger. On bulle régulièrement.
  • 15s plus tard (soit à 15m), nouvelle charge M.
  • de 15 à 50s, l’espace dans la bouche se réduit petit à petit (on simule ce ressenti par le bullage régulier), l’idéal étant d’arriver à une bouche quasiment vide au bout de 50s

Exercice 5B : idem, mais en ajoutant un maximum de repères mentaux. Par exemple :

  • On imagine les palmages dont l’intensité réduit progressivement, puis la chute libre vers 20m
  • 18m, j’imagine franchir une thermocline
  • 35m, je suis en volume résiduel et ça me stresse. D’autant qu’une seconde thermocline arrive.
  • 40m : je loupe une compensation (on plonge le flexible de quelques cm pour la prochaine compensation, puis on le remonte)
  • 45m : le volume de la bouche est presque à son minimum. J’essaie de rester constant.
  • 50m : j’attrape le tag. Je suis heureux.

N’hésitez as à être inventif !

Remarques :

  • Vous pouvez diversifier avec des temps de descente différents (ex : 1,2m/s en monopalme, 0,7m/s sans-palme…)
  • Vous pouvez alterner les descentes en frenzel et mouthfill

Pour aller plus loin…

Il est certainement possible d’imaginer des milliers de variantes avec un dry bubbler. C’est là tout l’intérêt de cet accessoire. Et vous, quelles seront les vôtres ?

Pierre BOUTEILLON pour Deepway

https://deepway.fr

contact@deepway.fr

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